Pourquoi une fête du Sel ?
On fête la moisson et le pain ; on exalte la vendange et le vin ; pourquoi pas le sel, sans lequel l’homme ne saurait vivre et dont l’absence prive l’aliment de toute saveur ? Cristal commun, certes, mais denrée précieuse qui a fondé la puissance de qui en contrôlait la source, le transport et la distribution. Depuis les salines marines, les mines, les saumures issues des roches, des voies ont divergés vers le reste du monde, pour livrer ce condiment unique, comme il y avait des routes de la soie ou des épices.
Buttes se trouve sur l’une de ces routes du sel qui, de Franche-Comté voisine, ravitaillaient le pays neuchâtelois. Quartier la Tente, dans sa description de notre commune, dit ceci : » A peu de distance du village, sur la route de Longeaigue, se trouve le point de départ de l’ancienne route de la Côte-aux-Fées. Cet ancien chemin, assez roide, étroit et rocailleux, abandonné aujourd’hui, a dû être un passage très fréquenté. Ce singulier chemin porte le nom de Vy Saulnier (chemin du sel) et, d’après une tradition assez accréditée, il servait à conduire le sel importé de France en Suisse, à l’époque où La Vouivre rendait trop dangereuse la route plus directe et plus commode, qui descend des Verrières à St Sulpice. »
Une Vouivre n’est qu’un dragon légendaire, mais la mémoire populaire des Butterans a conservé le souvenir d’une » Vy Saulnier « . Même si les cartes officielles ignorent ce nom et si les opinions l’attribuent soit au chemin nommé » les Vys « , soit au passage de » l’Echelier « , il est certain que le transport du sel passait par notre village.
L’imagination pourrait interpréter l’allusion à la Vouivre, comme l’existence d’une voie détournée propice aux contrebandiers, les » Faux-Saulniers « , gens éminemment sympathiques au bon peuple, puisqu’ils soustrayaient leurs marchandises à la taxe de la gabelle qui a enrichi tant de rois et de seigneurs. Pourquoi quelque persifleur n’aurait-il pas affublé les gabelous du Haut de la Tour du sobriquet de » vouivre « , ce serpent ailé au souffle empoisonné ? Quoiqu’il en soit, la position de notre village sur le passage de Suisse en Franche-Comté et en Bourgogne, justifie pleinement l’organisation d’une grande FÊTE DU SEL, qui se renouvelle chaque année, le premier samedi de septembre. Par-dessus les crêtes jurassiennes, ce sera aussi un signe d’amitié à une région proche, avec laquelle, de Lons-le-Saunier à Salins, nous avons été liés par le sel de la terre.
François Matthey, membre fondateur